vendredi 19 avril 2013

PNNS versus Français



Pour éviter de laisser d’éventuels doutes quant à l’alimentation s’installer dans la tête des populations, et pour lutter contre les fléaux des troubles du métabolisme (diabète, obésité, hypertension, etc.), le gouvernement français a eu l’idée de lancer un plan de santé publique qui se veut proposer des recommandations fiables et scientifiquement validées pour aider les populations à décrypter les informations parfois contradictoires que l’on entend tous les jours sur la nutrition, et ayant pour objectif de prévenir la maladie et avoir une hygiène de vie saine. Vous les connaissez bien ces recommandations ! « manger bouger », « pour votre santé, consommer 5 fruits et légumes par jour »…

En théorie donc, pour le bien des Français. Je ne vois pas le mal partout, mais j’ai tendance à imaginer une réalité un peu différente, faite de lobbying et pensée en termes de dollars. Pourquoi penser comme cela ? Eh bien parce qu’après 12 ans de fonctionnement, où ces projets politico-scientifiques ont dicté nos vies, 12 ans pendant lesquels 57 millions d’euros ont été dépensés pour la période 2001-2011 et 210 millions d’euros à venir (et on parle de crise ?!) les résultats sont loin d’être satisfaisants, voire inquiétants… Je rappelle que l’on parle de maladies qui font dorénavant plus de victimes que le SIDA à l’échelle mondiale ! Voyons ça.

D’après les autorités compétentes, l’obésité a augmenté d’environ 50 % sur la période 2000-2009, tandis que le diabète augmente à l’heure actuelle de 6 % par an (1 français sur 20). Autrement dit, on s’efforce davantage à trouver des méthodes pour promouvoir les recommandations nutritionnelles qu’à s’intéresser à l’efficacité réelle de ces recommandations. On pourrait peut-être mettre ces résultats sur le compte des Français qui seraient de mauvais élèves ? Même pas ! Toujours selon les autorités compétentes, il semblerait que ces derniers suivent de plus en plus ces recommandations et modifient leurs habitudes alimentaires (augmentation de l’activité physique, réduction de la consommation de sel, dédoublement de la consommation de fruits et légumes, diminution de l’apport en acides gras saturés, etc.).

Alors, si les conseils du PNNS (Plan National Nutrition Santé) sont suivis par les Français mais qu’ils n’ont pas les effets escomptés, peut-on remettre en cause leur réelle efficacité (rappelons qu’ils ont été validés scientifiquement) ?

En fait, le PNNS se fonde entièrement sur le principe de déséquilibre entre entrée et sortie d’énergie, et s’efforce à « pathologiser » l’obésité et le diabète en maladie, alors qu’ils sont des symptômes, la maladie étant un le dérèglement à l’origine de la prise de poids. Pourquoi ? Tout comme la médecine allopathique ne vise qu’à faire disparaître les symptômes, le PNNS ne s’efforce pas à cibler les vraies causes de la maladie. Qu’elles sont-elles ?

Si les troubles du métabolisme sont des maladies dites « de civilisation », c’est sans doute qu’ils prennent leur origine quelque part dans l’évolution culturelle des dites civilisations (sous-entendues occidentales). Or, il y a plusieurs facteurs qui caractérisent l’évolution des cultures occidentales. Premièrement, une modification radicale de notre alimentation lors de l’apparition de l’agriculture. On cultive et on mange de plus en plus de céréales au détriment des végétaux (lire à ce sujet les travaux de Jean Anthelme Brillat-Savarin de la fin du XVIIIe siècle). A la suite de cela, la société s’est hiérarchisée. L’agriculture apporte des richesses, on accède alors à plus d’aliments « nobles » et à l’opulence (viandes et produits raffinés). Après les grandes conquêtes, on accède à des aliments exotiques, symboles d’encore plus de statut social. Puis vient la révolution industrielle qui marque le début des véritables problèmes que l’on connait aujourd’hui : production excédentaire, produits de qualité médiocre et pollués, le tout dans un environnement gouverné par le stress et l’insécurité, où l’on culpabilise et infantilise les populations. L’Etat et les industriels rendent les « gros » coupables de s’être rendus malades. Et la médecine essaie de faire maigrir les gens pour les guérir au lieu de chercher ce qui les a rendus malade et donc fait grossir.

Rappel du PNNS :
« Pour votre santé, éviter les aliments gras, salés, sucrés »
Dans une société où les personnes interprètent les messages au pied de la lettre, un tel slogan peut s’avérer dangereux. Au placard alors les huiles, les graines oléagineuses, les poissons… ? NON ! Ne pas consommer d’acides gras est aussi dangereux que d’en consommer à l’excès. Les lipides sont essentiels !
« Pour votre santé, manger des féculents à tous les repas »
Le problème des féculents, c’est qu’une consommation excessive (et en manger à tous les repas s’avère être excessif) transforme l’excédent de glucides non « brulés » en graisses – eh oui, on fait des stocks !
« Pour votre santé, manger de la viande ou du poisson à chaque repas »
Je m’abstiendrai de faire un commentaire, lire à ce sujet les sacro-saintes protéines animales.

Pourquoi parler du PNNS dans ce blog qui traite d’une formation en ethnobotanique ?
Premièrement, parce que l’Histoire de l’alimentation humaine est au cœur de l’ethnobotanique, et que ses dérives occasionnent beaucoup de problème dans nos sociétés ; aussi parce que pointer du doigt le PNNS, c’est dénoncer un système dogmatique dans lequel on fragilise les populations pour mieux les contrôler, avec du profit à la clé ; et enfin pour montrer qu’il n’existe pas de régime miracle ou d’alimentation-qu’il-faut-absolument-avoir.

A ce propos, pendant ce week-end de formation, nous avons eu tout le loisir d’aborder les différents régimes, ou plutôt modes d’alimentation, dont certains sont plus proche de la thérapie ou d’un mode de vie à tenir que du régime. Nous avons pu mettre en évidence que quel que soit le régime, il y a toujours une faille, et que souvent, elle se situe dans le principe même de la « règle », c’est-à-dire d’être trop formelle, pas assez souple. Végétariens, végétaliens, crudivores, frugivores, instinctos, dissociés, macorbiotes, ou encore Seignalet, tous n’ont qu’une idée en tête, trouver LE régime alimentaire idéal, tout comme l’est la recherche de la vérité absolue…

Il n’y a sans doute pas de régime alimentaire absolument idéal. S’enfermer dans des principes stricts, c’est aussi s’enfermer dans l’idéologie, voire fleureter avec l’extrémisme et le fanatisme…  N’oublions pas que le repas est aussi un moment de partage et de convivialité entre les hommes mais qu’il peut vite se transformer en torture si la frustration prend le dessus sur l’acceptation. Acceptation de la différence et de l’autre, autant dans ses habitudes alimentaires ou ses considérations philosophiques. Et de conclure « qu’il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger » (Socrate) tout en gardant à l’esprit que « la fourchette tue plus de monde que l’épée » (proverbe québecois).

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