samedi 14 juin 2014

(bio)xénophobie

Nombre de plantes ornementales ont été introduites dans parcs et jardins, bien loin de leur région d’origine. La plupart d'entre elles restent bien sagement rangées sur leurs plates-bandes, mais il arrive toutefois que certaines d’entre elles s’échappent, se multiplient et "colonisent" nos milieux naturels… Ces plantes sont alors devenues ce que l'on considère comme des plantes "invasives".

On peut comparer l’attitude vis-à-vis de ces espèces végétales (ou animales d'ailleurs) considérées comme invasives à celle qui se manifeste contre les humains et qui mène à la haine raciale. On retrouve le même registre de vocabulaire, et donc d’attitudes, dans la « lutte » contre les « invasions » biologiques que dans les guerres contre d’autres peuples. Cela concourt à développer la peur, l’angoisse, la haine, la volonté de destruction…

En vertu de quoi un être vivant aurait plus de droits qu'un autre ? La rédaction de la Valériane (revue Nature & Progrès) s'est empressée d'aller interviewer quelques-unes de ces "envahisseuses" notoires s'étant exprimées ça et là de manière brutale, sous la menace de terribles sévices :

« Merci Monsieur le rédacteur en chef d'avoir accepté sans trop vous faire prier (nous en tiendrons compte, soyez-en assuré) de nous ouvrir, afin de plaider notre cause, les colonnes de votre revue - dommage, n'est-ce pas, qu'il faille pour cela couper de beaux arbres afin d'en préparer le papier nécessaire à l’expression de la pensée de vos talentueux journalistes... Nous ne nous en plaindrons pas : l'abattage des superbes forêts qui jadis couvraient votre continent pour les remplacer par de vulgaires plantations d'arbres ou de riantes cultures nous a permis de prendre pied et de nous multiplier dans les environnements que vous avez profondément perturbés et laissés pour compte.

Mais permettez-nous de nous présenter. Je suis la renouée du Japon, originaire d'Extrême-Orient bien que je n'aie en rien les yeux bridés. Et voici la berce du Caucase, une vraie géante des montagnes, puis le robinier ou « acacia » et l'ambroisie, américains tous les deux, comme vous pourriez l'entendre à leur accent. Nous possédons au plus haut point la faculté de nous reproduire - le robinier et moi par nos robustes tiges souterraines, mes compagnes par des semences fort efficaces et produites en quantité phénoménale. Alors c'est vrai que nous avons un peu tendance à nous étaler, nous ne sommes pas vraiment très discrètes et il nous arrive de prendre la place de plantes qui étaient là avant nous... C’est l’être humain, vos parents proches ou déjà lointains, qui nous ont permis à nous, pauvres Cendrillons exotiques, de nous développer. Dans nos pays d'origine, nous vivions tranquillement, sans déranger quiconque, comme de bonnes plantes bien rangées. Au fond, nous croupissions, loin de nous douter de notre extraordinaire potentiel de propagation. L’homme qui nous a transplanté pour son bon plaisir nous a révélé à nous-mêmes en nous permettant de découvrir des milieux qui nous conviennent parfaitement et d’où nous pouvons déloger les tristes maigrichonnes qui y végétaient. Dans notre monde, c’est vrai, la pitié n’existe pas. Nous ne sommes que de pauvres plantes incapables de jugement. Ah, si comme les humains nous pouvions être douées de raison et de sentiments… Quoique, dans le fond, agissent-ils mieux que nous malgré toutes leurs belles théories ? N’on-t-ils pas créé un système où ils règnent en monarques absolus sur l’ensemble de la création et d’où tous les êtres qu’ils n’ont su dominer sont impitoyablement exclus – même d’ailleurs, malgré leurs bonnes intentions de surface, leurs propres congénères trop faibles pour « réussir » ? Cette nouvelle croisade contre nous autres « plantes invasives » ressemble à s’y méprendre à une chasse aux sorcières, dont bien entendu, modernisme oblige, la science se porte garante.

Le tout sur fond de racisme : en quoi aurions-nous moins de droits que les plantes qui se trouvaient ici avant notre arrivée ? Elles non plus n’ont pas toujours été là. Elles ont débarqué au fil des refroidissements et des réchauffements du climat sans qu’un quelconque Le Pen paléolithique ne vienne contester le bien-fondé de leur présence… Plantes « invasives » et immigrés : même combat ! Certes, avouons-le, nous avons quelques défauts. Mon amie la berce est photodynamisante, c’est-à-dire que si on la déchiquète à la débroussailleuse en short, torse nu par un plein soleil d’été, on a toutes les chances de finir la soirée à l’hôpital, couvert de décoratives brûlures, conséquences de l’effet de son suc qui empêche la pigmentation de la peau de jouer son rôle protecteur. On peut aussi laisser ma copine tranquille… L’ambroisie est un tantinet plus pernicieuse car même si on ne lui fait rien, elle dissémine dans les airs des quantités industrielles de son impalpable pollen, cause de nombreuses allergies. Mais soyons honnêtes là aussi, un peu d’objectivité que diable : l’homme devient de plus en plus sensible à cause de son mode de vie, en particulier de la contamination par les innombrables polluants nés des technologies modernes, de l’habitude des atmosphères confinées ainsi que du stress toujours plus envahissant. Une solution constructive consisterait à prévenir le problème : pourquoi ne pas en chercher la cause et l'éliminer. Plus difficile que d’éradiquer quelques plantes rendues responsables de tous les maux, non ?

Et dites-moi, êtes-vous au courant de nos qualités ou personne ne vous les a-t-elles encore révélées ? Tenez, moi qui vous parle, je me trouve être une excellente plante comestible, fort appréciée dans mon Japon d’origine. Mes jeunes tiges, toutes tendres, sont acidulées comme de la rhubarbe et se préparent en quiches, en tartes ou en compotes. Elles sont creuses et l’on peut les farcir, végétal délice, d’un mélange de fromage blanc, de sirop d’érable et de noisettes moulues… Quant à mes jeunes feuilles, elles enveloppent en Roumanie du riz et des oignons à la manière des feuilles de chou. Vous savez, pour que je reste raisonnable, il suffit de m'aimer beaucoup et de me récolter souvent. Dans ce cas, promis, je ne vous envahirai pas ! Souvenez-vous aussi que l’acacia fleurit suavement en longues grappes blanches et parfumées dont on prépare de succulents beignets. Le terrible buddleia nourrit de son nectar les papillons que les pesticides ont épargné. Et même l’odieuse berce du Caucase s’avère très bonne à manger, tout comme sa cousine des prairies, la berce spondyle. Sa saveur est certes plus forte mais ses propriétés médicinales sont absolument remarquables – et encore méconnues en Europe occidentale. Dans ses montagnes d’origine, on révère la grande berce à l’égal du ginseng car comme la célèbre panacée asiatique, elle possède la propriété de régénérer les organismes fatigués - d’où les vertus aphrodisiaques dont on la crédite. Faut-il aller chercher plus loin le secret de la légendaire longévité des peuples du Caucase ?

Mais trêve d'égoïsme. Je voudrais évoquer ici toutes ces pauvres plantes sauvages qui vivaient sans ennuyer personne dans une nature intacte, et que l'homme a cruellement détruites en éliminant la végétation d'origine. Je vous propose de nous recueillir un instant à la mémoire de ces martyrs tombés au champ d’honneur. Quant à l’homme, cause de tout le marasme actuel, il n’a finalement qu’à s'en prendre à lui-même. S’il tient vraiment à nous éliminer, c’est très simple : il lui suffit de laisser la végétation se débrouiller comme elle l'entend jusqu’à son climax, l’état ultime qu’elle atteindra en se développant sans entrave, et croyez-moi, nous disparaîtrons. Le véritable environnement naturel en Europe est la forêt. Point final. Et nous ne pouvons y vivre : pas besoin d'herbicides ou de grandes campagnes contre nos modestes personnes, la nature elle-même s’en charge. Mais honnêtement, qu’est-ce qu’il veut, l’homme ? La nature ? Tu parles, la nature arrangée à sa sauce, oui, bien propre en ordre, à la Suisse ! Dans ce domaine là aussi, il ne cherche que le pouvoir.

Mais Monsieur le rédacteur en chef, je voudrais vous confier quelque chose qui nous chagrine. Nous sommes jalouses. Oui, jalouses du chou et de la carotte, bien davantage encore du maïs et du blé. Voilà des plantes qui ont réussi ! Au prix, il est vrai, de modifications profondes qui les rendent fort différentes de leurs ancêtres spontanés. Voyez quelle superficie énorme couvrent ces brillants végétaux que l’homme propage de par le monde. Y a-t-il commune mesure entre les milliers de kilomètres carrés qu’ils soustraient aux plantes naturelles et les quelques misérables parcelles où l’on nous traite d’envahisseuses ?

Remettons donc, voulez-vous, l’église au milieu du village : le véritable envahisseur, c’est l'homme, qui du fond de son Afrique profonde s'est plu à étendre sa loi sur l'ensemble de la planète, bouleversant sur son passage tous les équilibres naturels. Nulle autre espèce ne prolifère au point de mettre en péril la vie sur terre. Peut-être un jour devrons-nous, végétaux, animaux, champignons et autres organismes, ériger un tribunal pour juger les méfaits de ce genre humain prétentieux. En fait, ce n'est sans doute pas la peine : l’homme en meurt déjà sans même s’en rendre compte. Oh non, nous ne sommes pas les plus à plaindre, nous nous en tirerons toujours... Mais voilà, s'il vous plaît, cessez de nous diaboliser ! Et encore merci pour votre attention. »

Texte de François Couplan

jeudi 17 avril 2014

C'est quoi une plante ?

L'article précédent forme une excellente transition pour parler un peu des principes actifs. Si on veut comprendre ce qu’est un principe actif, il faut comprendre ce qu’est une plante, et quelle est sa principale particularité. Question : qu’est-ce qui différencie une plante d’un animal ? La réponse est contenue dans la question ! Une plante est « plantée », alors qu’un animal est « animé ». Alors que l’animal peut se déplacer pour fuir un prédateur, se nourrir, se reproduire bref, faire sa vie, la plante est quant à elle contrainte à l’immobilité – relative (voir anatomie et physiologie végétale). Il leur a donc bien fallu mettre en place des stratagèmes pour se défendre des prédateurs et autres parasites, se protéger des conditions environnementales qui leurs sont directement imposées, et donc survivre afin de se reproduire. Ces stratagèmes, ce sont les principes actifs : des molécules produites par un métabolisme « secondaire » (le primaire étant lié à la production de composés essentiels à la structure chimique de l’organisme vivant en question – ici la plante – et majoritaires en quantité – glucides, protides, lipides…), issus de processus chimiques plus fins et plus complexes, synthétisés à partir des composés du métabolisme primaire, et dont le rôle précis n’est pas toujours bien connu (défense contre les agressions extérieures ;  porteurs d’activités thérapeutiques ou toxiques). Alcaloïdes, hétérosides, coumarines, phénols, tanins, terpènes, flavonoïdes… sont des composés de ce métabolisme secondaire. Ils ont une action physiologique et chimique avec les molécules et donc les cellules des autres organismes vivants, dont l’homme. Pour répondre à la question « une plante est-elle forcément médicinale ? », la réponse est OUI ! Elle peut être toxique aussi bien sûr, mais les poisons les plus mortelles n’ont-ils pas une action thérapeutique à faible, voire très faible dose ? Il n’y a malheureusement plus de sorcières pour nous le dire, mais il y a encore les pharmaciens (l’exemple de la digitaline pour les problèmes cardio-vasculaires est sans doute le plus parlant, car c’est un principe actif très toxique à relativement faible dose !).

Empiriquement connus depuis la nuit des temps (ou du moins soupçonnés), mis sur le devant de la scène par les chimistes vers le début du XIXe siècle, les principes actifs sont aujourd’hui la base de la médecine allopathique, phytotérapeutique, homéopathique, et toute autre pratique pour laquelle il s’agit d’absorber une substance médicamenteuse naturelle ou non. Ce qui est d’ailleurs paradoxal, car dans l’inconscient collectif, « les gens » ont du mal à admettre qu’une plante puisse être médicalement efficace, alors que ces mêmes « gens » vont se bourrer de pilules dont les principes actifs sont majoritairement extraits des végétaux, ou reproduits en laboratoire sur la base de molécules végétales. Je catégorise volontairement une certaine classe de population réfractaire à toute forme de « pratiques au naturel », bien que les mouvements alternatifs pour des pratiques plus justes et raisonnables soient en passe de devenir majoritaires. Mieux ! Tandis que grandit l’intérêt populaire de la médecine par les plantes et les pratiques alternatives, se développe dans les milieux scientifiques et réglementaires – les deux étant étroitement liés – un curieux phénomène de suspicion envers les végétaux. Il est légitimé par les quelques (rares) incident lié à l’automédication et le principe de précaution, ce dernier étant appliqué plus sévèrement avec les végétaux sauvages qu’avec les végétaux cultivés alors que nos aliments courant regorgent de principes actifs potentiellement toxiques (oxalates dans les épinards dangereux en cas d’insuffisance rénale ou de problèmes articulaires, furanocoumarines dans le zeste de citron connus pour leur action photodynamisante, etc.). Encore un paradoxe comme l’être humain sait en avoir… Si une règle d'hygiène devait prévaloir quant à l'utilisation des plantes en général, c'est de varier et de se méfier des idées reçues sur l'innocuité ou la toxicité de tel ou tel végétal.

A suivre : quelques plantes et leurs effets thérapeutiques !

Les plantes médicinales

Après avoir – en partie – étudiés les plantes comestibles, nous avons introduit en début de seconde année les plantes médicinales. C’est un vaste sujet, si bien qu’elles nous suivront jusqu’à la fin de notre formation et même au-delà, à l’instar des plantes comestibles. Tiens, je me questionne tout en écrivant ces mots : pourquoi cette catégorisation systématique – plantes médicinales / plantes comestibles ? Cette approche, comme souvent et je me rends compte qu’au fil de mes articles j’en parle beaucoup, a tendance à cloisonner notre vision des choses. Où situer le thym par exemple, dans quelle « case » ? C’est à la fois une excellente herbe aromatique et un médicament très efficace, connu depuis la plus haute Antiquité. Et finalement, quelle plante n’est pas médicinale ? Tentons d’y voir plus clair.

Il y a 2500 ans, Hippocrate donnait ses recommandations en matière de santé : « Que ton aliment soit ton remède ! ». Ce précepte a malheureusement disparu du discours médical d’aujourd’hui, avec tous les dommages collatéraux qu’on lui connait (diabète, obésité, Alzheimer, etc.). Sommes-nous en mesure de trouver aujourd’hui un médecin généraliste qui nous questionne sur nos pratiques alimentaires quand il établit son diagnostic ? Je parle du médecin lambda, pas de celui qui est ouvert aux pratiques de médecines douces ou alternatives, entendons-nous. Bon, ce n’est peut-être pas de leur faute ! Après tout, ils sont diplômés de médecine… Ah ! Voilà peut-être un élément important du problème. Parole de médecin : « la nutrition et la diététique ne sont plus dispensés en tant que système préventif dans les facultés de médecine ». Intéressant ! Mais on ne va pas s’étaler là-dessus, revenons aux plantes médicinales.

Qu’est-ce qu’une plante médicinale ? Il existe une définition officielle, qui je dois l’avouer me pose problème. Une plante médicinale est un végétal doué d’un effet thérapeutique, sans être exagérément toxique pour l’organisme. La deuxième partie de la définition est plutôt floue ! Ça veut dire quoi exagérément ? Pour reprendre l’exemple du thym, il peut s’avérer "exagérément" toxique pour le foie en cas de prise continue et à dose importante ! Bien sûr, la toxicité du thym n’a rien en commun avec celle de la cigüe, qui est mortelle à faible dose… Mais attention quand même, faire preuve de bon sens, et ne jamais utiliser tous les jours une même plante en prévention (primum, non nocere), car au bout d’un certain temps, les principes actifs vont s’attaquer à d’autres parties que celles pour lesquelles la plante était initialement utilisée.

vendredi 14 février 2014

Ethnobotanique ta plante !

Qu'on se le dise, nous sommes tous un peu ethnobotanistes. Toutes les plantes ont, auront ou ont eu à un moment de leur histoire, un lien avec l'homme : nous achetons des roses, lesquelles possèdent une symbolique forte ; nous mangeons des tomates, ces dernières ont été découvertes et introduites par et en Occident lors des grandes conquêtes de Christophe Colomb... Plus simplement, nous sommes d'éternels curieux, nous avons un faible pour la cuisine exotique, nous nous informons sur les pratiques culinaires en général, etc. Même la viande que nous consommons habituellement est, en quelque sorte, liée à l'histoire du blé, du soja ou du maïs, qui des siècles durant ont accompagné les hommes. Reste à savoir dans quel champ d'application l'on se situe, quel sorte d'ethnobotaniste nous sommes : amateur, professionnel, spécialiste ? A chacun sa définition. Une chose à retenir cependant, malgré la connotation péjorative du terme amateur, il est intéressant de savoir que ce mot est dérivé du latin amator : celui qui aime ! En ce qui me concerne, je me situerais à cheval entre l'amateur et le professionnel, tentant d'appliquer, quand cela me convient, les méthodes du professionnel tout en tenant à distance les objectifs de résultats qui peuvent avoir tendance à cloisonner les sujets d'étude.

Pourquoi faire de l'ethnobotanique ? Il existe des tas de raisons : curiosité, envie d'apprendre, goût pour l'exotisme, etc. Pour être tout à fait franc, au départ je me suis intéressé à cette discipline pour, à terme, retrouver un peu d'autonomie alimentaire. Au-delà de cette considération, j'ai décidé de me lancer dans cette aventure lorsque je me suis aperçu que le végétal est la pierre angulaire de tout le système vivant, dont nous faisons tous partie depuis toujours. Il met en lien l'air, l'eau, la terre et les autres êtres vivants de manière tout à fait singulière et passionnante.

Etudier le végétal, c'est finalement s'intéresser à Tout, c'est ouvrir une porte vers l'exploration du monde au sens large. S'intéresser aux plantes et aux liens qui les unissent au reste du vivant et donc aussi à l'homme, c'est aussi découvrir le fonctionnement des sociétés. Etudier les plantes, c'est encore tenter de comprendre nos comportements alimentaires, pourquoi nous mangeons tel fuit ou tel légume plutôt que d'autres... c'est en quelque sorte retracer notre propre histoire, avec tout ce qu'elle comporte de symbolique ! A ce propos, il est intéressant de noter que la plupart des végétaux consommés en France ou en Europe sont originaire de pays lointains (voir article sur les plantes voyageuses). Le terme "local" ou "bien de chez nous" en prend un sacré coup! L'identité culturelle liée à l'usage de certains produit dits locaux peut s'avérer difficile à préserver...

D'ailleurs, je suis persuadé que la plupart d'entre-vous sont d'avantage intéressés par la cuisine exotique et les traditions culinaires du monde que par les betteraves, navets ou autres poireaux de France. Vous avez raison ! C'est tout à fait passionnant (soyez néanmoins sensibles à l'impact écologique lié à la production et l'acheminement de ces produits exotiques jusque chez nous). Pour vous mettre en appétit, je vais vous en dévoiler quelques-unes mais avant tout, je souhaiterais revenir sur une notion fondamentale, l'acte de manger.

Manger peut sembler anodin, quelque chose de parfaitement naturel. D'un point de vue biologique, peut-être (encore que nous ayons perdu tout instinct de (re)connaissance d'une nourriture saine et de qualité). Mais culturellement et socialement parlant, c'est beaucoup plus technique ! L'alimentation se construit en un agencement varié d'éléments de patrimoines culturels, d'identités nationales ou familiales, de symboles (en particulier le statut social), d'enjeux politiques ou encore de santé publique. Nous mangeons du symbole, tout en observant des pratiques rituelles elles aussi empreintes d'une symbolique forte (prières, règles de bonnes conduites, sphères environnementales, etc.). Manger est donc un acte culturel. Comprendre cela est capital car chaque peuple possède sa cuisine propre à laquelle il est profondément attaché. C'est évidemment un fait d'importance, à prendre en compte lorsque l'on voyage, ou bien quand on est invité chez des personnes originaires d'un autre pays avec d'autres coutumes. C'est loin d'être anecdotique, et cela s'applique dans un sens comme dans l'autre ! N'avez-vous pas eu une envie irrépressible de fromage et de vin lors d'un voyage dans un pays qui n'est pas coutumier de ce genre de produit ? Personnellement, ça m'est déjà arrivé, et cela m'a permis de prendre conscience que le repas est un marqueur d'identité culturelle fort et très symbolique.

Manger, c'est donc loin d'être anodin. A en voir la richesse et la diversité des traditions culinaires du monde, on n'en douterait pas. Au gré des mouvements de populations et de l'évolution des pratiques agraires, de la standardisation des échanges commerciaux et culturels perpétrés depuis des millénaires, l'alimentation est devenue un vrai sujet d'études, passionnant mais aussi surprenant ! Si les différents pays du monde avaient conservés leurs pratiques et leurs traditions sans apports extérieurs, les choses seraient bien différentes : pas de pizza en Italie, de frites en Belgique, de piment en Afrique, de café au Brésil, de bananes en Martinique... Soyons-en ravis donc, la "mondialisation" a permis un brassage culturel et donc alimentaire. Toutefois, restons vigilants, car nous courons vers la standardisation du modèle occidental (ou plutôt américain), avec lequel l'alimentation industrielle et fade (à l'image des fast-food) représente aujourd'hui dans l'inconscient collectif le nec plus ultra de ce qui est souhaitable (surtout dans les pays en voie d'occidentalisation). Élevons nos conscience et levons nous pour que ce jour n'arrive jamais et pour que l'alimentation continue d'être un bien commun non monopolisable.

Je vous ai promis un aperçu des traditions culinaires du monde, rendez-vous ici