lundi 26 novembre 2012

Les plantes sont-elles une fin en soi ?


Comme tous les samedis soir, après le repas, nous avons la possibilité d’aborder un sujet – polémique ou non – sur différents thèmes en lien avec la nature et les plantes. Cette semaine : « les plantes sont-elles une fin en soi ? »

D’après Kant (philosophe du XVIIIe siècle) « rien n’est fin en soi, si ce n’est l’être raisonnable ». A cette époque, il faisait bien sûr allusion à l’homme en tant qu’être doué de raison. « Tout le reste n’est que moyens », donc la nature, les objets, etc. En voila une vision anthropocentriste ! Il attribue donc une valeur absolue à l’homme, et relative à toute autre chose.

Que se passe-t-il si l’on admet que l’homme fait partie de la nature, et qu’on lui attribue donc la même valeur qu’aux plantes par exemple ? Autrement dit : peut-on dire que les plantes ont une valeur absolue au même titre que les hommes ?

Pour tenter de répondre à cela, il faudrait avoir une vision d’ensemble des valeurs culturelles, des courants de pensées et donc des relations aux plantes et leurs symboliques dans les différentes ethnies du monde et à travers l’histoire. En cela, la question « les plantes sont-elles une fin en soi ? » peut être une bonne introduction à la perception de l’ethnobotanique. L’ethnobotanique n’est pas restreinte à la simple « plante sauvage comestible ou médicinale », mais sous-entend aussi une symbolique forte, comme par exemple le moyen de communiquer avec les esprits et d’accéder au « Savoir » chez certains peuples, ou la simple relation d’amitié que l’on peut nouer avec une plante verte chez soi.

En tout cas, les plantes sont un moyen de nourrir et de soigner son corps et son esprit. Peut-on alors parler de fin en soi ? Je pense que l’on peut percevoir le fait que nous intéresser aux plantes pour les utiliser se révèle rapidement n’être qu’un point de départ vers l’exploration du Monde au sens le plus large.

Phylogénétique et nomenclature


Actuellement, pour classer les êtres vivants, nous recherchons « l’ancêtre commun », on parle de « classification phylogénétique » (de phylum : lignée) Plus les organismes possèdent de caractères, notamment génétiques, communs, plus ils tendent à être proches sur les branches de « l’arbre généalogique » du Vivant. On apprend par exemple que les crocodiles ont plus de gènes en communs avec les oiseaux qu’avec les lézards ! Ou que l’otarie a plus de gènes en commun avec l’ours qu’avec le phoque !

Pour appréhender ce processus, il faut comprendre comment la vie « primitive » s’est organisée et transformée au fil du temps en ce que l’on connait aujourd’hui. Rien ne vaut un petit schéma.


Dans cet exemple (assez complexe), apparait une échelle de temps. C’est intéressant car si on prend le cas des bactéries, dont les ancêtres seraient, d’après le schéma, à l’origine de toute la biodiversité sur Terre, on se rend compte que même si ce sont des organismes dits « primitifs », ils n’en demeurent pas moins aussi « évolués » que n’importe quel autre groupe ! Autrement dit : les bactéries ont le même degré d’évolution que nous ! Ces bactéries, considérées comme « primitives », sont partout et d’une importance capitale. Dans la terre, dans l’eau, dans l’air et dans tous les êtres vivants, elles ont une importance considérable dans les processus biogéochimiques comme le cycle du carbone, le métabolisme ou la fermentation.

Et nous alors ? Derniers apparus sur Terre… être vivants les plus évolués ? Ou derniers de la classe ?
Peu importe pour l’instant, c’est de plantes qu’il s’agit.

Dans la classification actuelle, les plantes sont définies, pour simplifier, comme « l’ensemble des organismes qui pratiquent la photosynthèse, possèdent des molécules de chlorophylles a et b, qui conservent les produits de la photosynthèse dans les chloroplastes dans lesquels ils sont produits et dont les parois cellulaires sont faites de cellulose ». Cette définition est importante car du coup, elle exclut certaines algues, les lichens (symbiose entre une algue et un champignon) et surtout… les champignons ! Ces derniers représentent maintenant un règne à part entière, encore assez mal connu tant la diversité est grande (dans 1 gramme de terre, jusqu’à 1 milliard de micro-organismes ; dans une poignée de terre, jusqu’à 1 million de champignons, en parlant d’individus, pas d’espèces).

Des algues jusqu’aux plus belles orchidées, en passant par les mousses, les fougères et les conifères, tout ce petit monde, d’une extraordinaire diversité, ne représente que 15 % du nombre des espèces. Il affiche tout de même environ 450 000 espèces recensées ! On estime le nombre total d’espèces vivantes entre 5 et 30 millions. Nous n’en connaissons qu’environ 2 millions. On estime d’autre part que, depuis l’origine connue du Vivant, 1/1000 des espèces ayant existé sont encore vivantes aujourd’hui. La science a de belles années devant elle… je me répète non ?

On comprend mieux alors l’intérêt de classer, nommer et décrire de façon consensuelle si on veut s’y retrouver.
Cela n’a pas toujours été le cas : une plante peut, par exemple, porter un autre nom et être utilisée totalement différemment d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, voire même entre deux vallées voisines ! Aujourd’hui, l’approche scientifique tente de présenter les choses d’une façon unique et « objective », tandis que se perpétuent des traditions transmises de génération en génération.
Peut-on imaginer qu’un jour, tous les êtres humains nommeront les choses de la même manière ? Parleront un langage commun (espéranto) ? Personnellement, je ne le souhaite pas. On a tendance à vouloir standardiser les choses, le complexe dérange. Cela signerait la fin de la mémoire orale des relations à la nature.

Pour l’heure, je me dois d’acquérir des notions de grec et de latin afin de voir de quelles façons l’homme a établi des relations avec le Vivant à travers l’étymologie, car cette dernière est souvent significative d’une représentation caractéristique physique ou symbolique de la plante, ou même de toute chose.

Des boites, des cases, des tiroirs


Lors de ce deuxième week-end de formation, nous avons, entre autres, tenté de répondre à la question suivante : « qu’est-ce qui peut bien pousser les scientifiques, et plus généralement les hommes, à vouloir tout classer, tout mettre dans des boites, bien étiquetées ? »
Curiosité ? C’est indéniable ! Notre soif de connaissances nous a permis de développer les sciences. Mais pas que…
On classe aussi par souci d’efficacité. Parler un langage commun, avoir des références précises et communes nous a semblé, à un moment de l’histoire, essentiel, si tant est qu’on veuille communiquer à plusieurs, partager et donner des indications. En effet, on classe même si on vit seul, ne serait-ce que pour différencier le comestible du toxique par exemple.

Les hommes classent les choses depuis toujours. La classification est le reflet de la représentation qu’ils se font de leur environnement suivant leurs croyances, leurs utilités, les moyens matériels et technologiques à leur disposition à leurs époques respectives.
De théories en idéologies né, à l’Antiquité, un « esprit de système ».
Aujourd’hui encore, la classification évolue et elle évoluera toujours, grâce notamment aux découvertes scientifiques et à l’évolution de nos perceptions, bien que quelquefois, les limites de notre esprit butent sur l’infinie complexité du monde.
Mais malgré les remarquables avancées en matière de compréhension des origines du Vivant et de son évolution, nous n’en sommes qu’aux balbutiements. La science a de belles années devant elle.