samedi 30 mars 2013

La gaie toxicité



Citons une nouvelle fois Paracelse : « Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose fait qu’une chose n’est pas un poison »
C’est vrai ! Tout est poison. Prenez de l’eau, aussi pure soit-elle, et buvez-en 5 litres d’un coup (bonne chance) et… rendez-vous au Père Lachaise… (si on boit de l’eau vraiment pure – c'est-à-dire seulement H2O, sans minéraux, il va falloir moins de 5 litres !).

On vit dans l’angoisse (ou le déni) des produits toxiques et on occulte tout le reste. L’oxygène, par définition, est toxique ! C’est à cause de lui que les cellules s’oxydent et qu’avec le temps, on meurt. Le temps est donc toxique aussi alors. Et que dire de ceux qui s’empoisonnent la vie au travail, à la maison, avec le stress, les problèmes personnels, etc. ?

TOUT est question de dose, et souvent de bon sens. Jadis, on utilisait les plantes les plus toxiques de notre flore à des fins médicinales. On le fait aujourd’hui encore avec l’homéopathie ou en allopathie.
Les meilleures plantes sauvages comestibles pourraient s’avérer dangereuses si elles étaient consommées en très grande quantité, à haute dose. De même que nos aliments de la vie courante : par exemple, consommés en trop grandes quantités, les épinards s’avèrent toxiques pour les reins, car leur cuisson libère des oxalates dont les cristaux peuvent précipiter dans les tubes rénaux.

Mais ouvrons plus large. Beaucoup plus large. Par exemple, si la terre ne possédait pas son atmosphère, outre l’air que nous respirons qui nous manquerait, nous serions bombardés de rayonnements solaires, nucléaires et électromagnétiques en tout genre ! En fait, la notion de toxicité est complexe. Elle dépend de nombreux facteurs : l’élément dit toxique (principe toxique d’une plante, venin, métaux lourds, facteurs psychologiques, etc.), l’élément dit intoxiqué (l’homme, une bactérie, un organe, la planète, l’esprit, etc.) et l’expression de cette toxicité (dose, concentration, durée d’exposition, période de latence, mode d’absorption, synergie, etc.). Or, nous percevons cette toxicité de manière différente, voire contradictoire selon les origines culturelles, nos représentations du monde et nos émotions (une plante considérée comme une panacée dans une région donnée peut être vue comme le pire poison dans la vallée voisine !).

Aussi, il serait autant dangereux d’idéaliser (à notre image) le monde, la Nature, les animaux, les plantes, etc. que de les voir obscurs. Ce paradoxe d’extrémisme des deux extrêmes qu’est le monde (au sens large) nous dépasse et il convient d’en être conscient, pour éviter de tendre vers l’un ou l’autre, d’observer une certaine forme de relativisme, de sagesse. Plus généralement, il faudrait éviter de considérer toute chose comme blanc ou noir et d’exiger de soi-même l’intégration d’une part de mystère entre ces deux "bornes".

Statistiques renversantes



La conclusion du dernier post fournit une parfaite introduction à celui-ci. Je citerai par ailleurs le titre d’un article écrit et diffusé par le Dr Françoise Flesch, qui en dit long sur notre perception du monde végétal et montre à quel point notre séparation d’avec la Nature est profonde :
            « Plantes toxiques, les dangers du retour à la nature »
Ou comment alimenter plus profond encore le sentiment d’insécurité qui nous hante et dicte nos vies.
Continuons donc à castrer la nature sauvage et hostile (ce que l’on pense à tort !), et continuons donc de bétonner l’équivalent d’un département français tous les 7 ans…
Comme pour toute chose, il convient d’observer un peu de relativisme.

Paracelse nous l’a clairement dit : « Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose fait qu’une chose n’est pas un poison » (Alle Dinge sind Gift, und nichts ohne Gift; allein die Dosis macht das ein Ding kein Gift ist), souvent mal traduit par « Tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison ».

En Europe, on recense (seulement) 1,25 % de plantes toxiques mortelles à doses faibles ou moyennes et on en a peur, alors que 80 % de nos plantes d’appartement sont toxiques et on n’y prête guère attention… Dans l’inconscient collectif, c’est toujours la nature sauvage qui est dangereuse, pas celle domestiquée, pas celle sur laquelle nous avons soit disant le contrôle.
Par contre, peu de personnes se soucient des éventuels pesticides et autres composés chimiques qui dansent dans leurs assiettes, de la quantité de chlore qui nage dans l’eau qu’ils boivent, ou des substances nocives qui flottent dans l’air qu’ils respirent. Mais ça, c’est une tout autre histoire (cf. la gaie toxicité).

Revenons aux chiffres.
Dans le monde, 5 millions de morts par an à cause du tabagisme ; 346 000 morts par an d’intoxication (quelle qu’elle soit : venin, javel, médicaments, plantes toxiques, etc.).
En France, on recense 7700 appels  par an aux Centre Anti Poison pour des intoxications végétales. Mais attention ! Il s’agit d’appels, ce qui ne nous renseigne pas sur la gravité des intoxications, ni même si ce sont de réelles intoxications. L’appel en panique d’une mère de famille au CAP parce que son enfant mâchouille quelques feuilles de pissenlit, ou suçote quelques fleurs de trèfle, sera répertorié ! Sur ces 7700 "cas", 78 % sont sans symptôme, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’effets indésirables apparus à la suite de l’absorption ; 11 % concernent des intoxications non graves (symptômes légers).

Ces chiffres concernent à 85 % des enfants de moins de 11 ans. Peut-on dès lors parler des dangers du retour à la Nature ? Ce qui était de l’ordre de l’instinctif chez l’enfant, et plus globalement chez l’humain (cueillir pour se nourrir), est devenu un danger par méconnaissance, à travers la perte de la transmission orale des savoirs traditionnels des usages des plantes.

95 % des intoxications avec symptômes concernent une cinquantaine de plantes dont une quinzaine de plantes sauvages (la flore européenne comporte environ 12 000 espèces...).

320 000 cas d’intoxications végétales en France depuis 1970 causant la mort de 18 personnes dont 15 par empoisonnement volontaire.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes…

Alors moi je vous invite chaudement au "retour à la Nature" ;)

La chimie partout !

Week-end un peu spécial, nous traiterons de la chimie et des principes toxiques des plantes.


L’exploration du monde à l’échelle atomique et moléculaire s’est avérée, comme dans chaque domaine que nous abordons, intense et riche d’enseignements. La chimie dans laquelle nous nous sommes replongés avait ce week-end-là une saveur différente que celle de jadis sur les bancs d’école. Alors qu’enfants elle nous paraissait inabordable, floue et incompréhensible, elle nous a cette fois-ci prouvé son utilité, et par-dessus tout son omniprésence !

La chimie est partout, et nous en prenons pleinement conscience à l’issu de ce tour d’horizon. Avec un regard un peu plus mûr, on arriverait presque à se représenter à notre échelle les atomes, les molécules et toutes leurs interactions malgré l’incommensurable petitesse de ce monde. TOUT ce qui nous entoure est fait d’atome -disons toute la matière (gaz compris bien sûr) que l'on sait détecter aujourd'hui (...).

L’atome (= qui ne peut être divisé), conceptualisé par les Grecs au Ve siècle avant J.-C. sera véritablement "observé", ou du moins déduit des expérimentations scientifiques, seulement vers le début du XIXe siècle ! En découla le fameux Tableau Périodique des Eléments, aujourd’hui placardé dans toutes les salles de cours de physique et dont la seule pensée suscite l’apparition de boutons dans le dos… Sans parler de la physique quantique qui vient aujourd’hui faire exploser le consensus établit depuis tout ce temps, et dont les applications et les répercussions se font dans de nombreux domaines, du médical au littéraire en passant par la philosophie.

Bref, les bases de la chimie se sont avérées cruciales pour la suite de notre week-end sur les toxiques ; nous avons pu les mettre en exergue pour l’étude des principes actifs chez les plantes. Et je dois admettre que de prime abord, du fait d’avoir côtoyé des principes toxiques tout un week-end, j’ai eu le sentiment que la nature recelait de dangers…