jeudi 28 février 2013

OGM, OMG ! (Oh My God !)



Depuis quelques années, on entend de plus en plus parler d’OGM. On en a tellement parlé qu’aujourd’hui tout le monde c’est ce que c’est, enfin je présume. Organisme Génétiquement Modifié. Décortiquons ces mots…

Organisme, sous-entendu vivant. Jusque-là, rien à dire…

Génétiquement Modifié : ah ! Qu’est-ce que cela signifie réellement ? Car dans la Nature, tout est affaire de mutation génétique. C’est le principe de spéciation, processus évolutif par lequel de nouvelles espèces vivantes apparaissent. Dans le terme "génétiquement modifié", on parle donc d’une modification génétique créée par l’Homme. En revanche, ce terme ne précise pas le "type" de transformation.

"OGM" résonne souvent comme ayant subi une "modification transgénique", dont les gènes ont été manipulé de façon volontaire sur une espèce, à des fins utilitaires précises (par exemple : gène pour la résistance de l’individu à l’attaque d’une autre espèce dite invasive). Qu’en est-il des variétés "hybrides", que l’on retrouve dans toutes les jardineries (hybrides F1, etc.). Il s’agit, par définition, d’une modification génétique. On ne va pas chercher à isoler un gène particulier pour le greffer à un organisme, mais on va tenter de faire se reproduire (en laboratoire et souvent par la force) des individus d’espèces ou de genres différents. Avec ce "métissage", on espère récupérer chez la progéniture les caractéristiques génétiques des deux parents. L’hybridation est un processus normalement naturel car elle fait appel au processus de reproduction sexuée, mais on doit le considérer comme OGM étant donné les méthodes d’apprentis sorciers utilisées par les laborantins (des projets sont à l’étude pour l’hybridation entre l’homme et d’autres animaux !). Petit plaidoyer du blé :

« Le blé ne peut plus être considéré comme un aliment sain pour qui que ce soit. Même bio, complet, le blé moderne est hautement hybridé. Il a une trop haute teneur en glutamine, une protéine qui a tendance à irriter la paroi intestinale, et contient beaucoup moins de minéraux et de vitamines qu'il y a cent ans.
Ceci est très regrettable parce que le blé était un aliment correct, et qu'il est aujourd'hui utilisé dans d'innombrables farines et aliments, notamment comme épaississant. » Extrait du dossier Santé Nature Et Innovation de Février 2013.

Si on pousse le bouchon, tout est OGM, à partir du moment où l’Homme a mis son grain de sel. La lente sélection des variétés cultivées, même aux tous premiers temps de l’apparition de l’agriculture (et donc sans intervention abusive) entraine une modification génétique sur le moyen ou le long terme. Les concepts même d’espèces domestiqués, d’espèces cultivées, et de Sauvage avec un grand S seraient à redéfinir.

On parle souvent des plantes sauvages qui nous entourent. Sont-elles si sauvages que cela ? La Nature sauvage telle qu’on la conçoit est le reflet d’une réalité légèrement anthropisée. Dans son acception globale, elle demeure là où l’Homme n’a que peu modifié le milieu. On définit souvent les forêts primaires (ce qu’il en reste) comme sanctuaires de Nature sauvage, bien que notre champ de vision ne dépasse guère les quelques milliers d’années (peu ou prou d’étude archéologique dans ces forêts, donc peu de chance de trouver des traces de modification du milieu).

Le sauvage est devenu peu à peu "cultivé". Attention, il faut distinguer la domestication de la culture. La culture est une action volontaire de modification du milieu pour l’alimentation, mais les espèces cultivées ne sont pas dépendantes de l’action de l’Homme pour survivre dans la Nature. A l’inverse, une espèce domestiquée a été suffisamment modifiée pour ne plus pouvoir se reproduire seule dans la Nature.

Tour d’horizon des différentes agricultures contemporaines, vers une agriculture opportuniste et adaptée



Il n’existe aucun système de production qui n’ait d’impact sur l’environnement. Surtout lorsqu’il s’agit de nourrir 7 milliards d’humains (9 milliards à l’horizon 2050). Toutefois, avec l’émergence de nouvelles méthodes d’approches pour une agriculture plus respectueuse du vivant et à dimension humaine, il semblerait que le mutualisme des techniques mises en œuvre avec la nature plutôt que contre offrirait des alternatives intéressantes à l’agriculture conventionnelle. Et une fois encore , ne rejetons pas en bloc toutes ses méthodes et tous ses principes !

Même si elle montre aujourd’hui ses limites, l’agriculture conventionnelle est digne d’intérêt. Ne serait-ce que pour son idéologie : nourrir les hommes grâce à des méthodes rapides, efficaces et économiques ! Le problème, c’est que l’argent est le pouvoir ont pris le dessus sur les ambitions premières avec comme conséquences pesticides, appropriation des semences, mécanisation abusive, pollutions des eaux, des terres et de l’air, déforestations, déséquilibre entre les différentes civilisations, etc.

L’agriculture biologique, plus éthique et écologique, née du mouvement écologique moderne, semble être une approche intéressante. Les pratiques se veulent plus respectueuses de la Terre et des hommes, mais différents problèmes empêchent son bon fonctionnement : délocalisation massive de la production, effet de mode des produits exotiques entrainant des dommages collatéraux comme une consommation importante d’énergie fossile, labellisation à outrance versus laxisme de la législation, etc. De plus, on a tendance à rendre le bio industriel alors qu’il est au départ une initiative artisanale.

Alors à vos assiettes ! Poulet bio (qui peut prendre des antibiotiques une fois par an et des antiparasitaires sans limite), accompagnée de riz basmati certifié bio (à moins de 1% de pesticides), assortiment de légumes du soleil (tomates, courgettes, aubergines et autres légumes d’Espagne, cultivées hors sol dans des mers de serres) avec en dessert, yaourt aux fruits bio dont je passerai le long détail de réglementations en terme de colorants, conservateurs et autres "arômes" ainsi que la provenance des différents ingrédients qui confèrent à ce yaourt son délice pour les papilles.
Pour éviter ce genre de produits, privilégiez les BIOCOOP.

Des exceptions existent cependant, notamment le label Nature & Progrès, avec lequel on peut consommer les yeux fermés. En bref, une approche intéressante qui mériterait d’aller creuser un peu plus profond…

La permaculture (culture permanente) est une technique de culture assez contemporaine. C’est un système intégré et évoluant d’agriculture pérenne - saine du point de vue écologique - pour l’autosuffisance et les exploitations de toute taille. Vaste ambition ! Seul bémol, les paysages sont sciemment créés en amont de la production, et ce par des moyens mécaniques quelquefois à la limite du raisonnable… Une piste à suivre malgré tout, l’approche globale restant intéressante.

Un mot sur la biodynamie, dont les principes fondamentaux dépassent l’entendement commun…  Ce système consiste à considérer l’exploitation agricole comme une entité organique vivante et à utiliser diverses préparations censées activer ou maîtriser les "forces cosmiques" afin de soutenir un bon processus végétatif. La prise en considération des rythmes lunaires et planétaires suscite une approche ésotérique. Toutefois, et malgré le manque d’étude sérieuse à ce sujet, les résultats sont plutôt impressionnants ! Si la volonté politique avait du pouvoir et de la raison, avec tous les moyens dont nous disposons à l’heure actuelle, cette méthode pourrait s’imposer d’elle-même comme un modèle agricole de valeur.

L’agriculture naturelle développée par le japonais Manasubo Fukuoka vient prendre à contre-pied toutes les méthodes citées plus haut. Sa technique consiste à laisser faire. C’est une agriculture du "non-agir", le constat étant : « quand nous changeons la manière de faire pousser notre nourriture, nous changeons notre nourriture, nous changeons la société, nous changeons nos valeurs ». Pas de travail de la terre, pas d’intrants (y compris compost), pas de sarclage, rien. Comme quand la Nature le fait d’elle-même : semences, paillages, récoltes. Cette méthode qui peut paraître rétrograde a été testée dans des centres d’essai agricole au Japon où elle s’est révélé la plus simple, la plus efficace et la plus moderne de toutes. Elle permet de produire autant que l’agriculture conventionnelle sans aucune pollution et tout en régénérant les sols en augmentant le taux d’humus. Pourquoi ne s’est-elle pas répandue me direz-vous ? Manasubo Fukuoka pense qu’une des raisons qui a empêché l’agriculture naturelle de se répandre est que le monde s’est tellement spécialisé qu’il est devenu impossible de saisir quoi que ce soit dans son intégralité. Autrement dit : nos intérêts sont tellement restreints qu'il nous est impossible de penser global.


Toutes ces méthodes, et il en existe d’autres, tisseraient une agriculture à véritable dimension humaine et écologique. Mutualisées, elles trouveraient leur plénitude en y intégrant quelques cueillettes sauvages, lesquelles seraient vecteurs d’un lien plus étroit avec la Nature (cf. l’éloge de la cueillette). Mieux, on pourrait imaginer une pratique à mi-chemin entre l’agriculture naturelle (du non-agir), la permaculture (culture permanente), pourquoi pas la biodynamie (avec toutes les réflexions d’ordre philosophique et cosmogonique qu’elle suscite), avec une "semi-culture" de plantes sauvages adaptées aux conditions particulières du terrain. Cela sous-entend de considérer nos "mauvaises herbes" des potagers comme autant d’alliés culinaires, médicinaux, tinctoriaux, etc. Tous les bénéfices des plantes sauvages sans les inconvénients du jardinage, que demander de mieux !?

« Dans la première graine mise en terre…


…il y avait en germe la bombe atomique » (F. Couplan).

Il existe plusieurs versions concernant les origines de l’Agriculture. L’institutionnelle, dispensée par les livres et les écoles, "sédentarise" les "chasseurs-cueilleurs", définit le Croissant Fertile comme foyer principal d’une agriculture "inventée" il y a "environ" 10 000 ans. Il serait intéressant de faire le point sur ces différentes notions, d’en démêler les tenants et aboutissants afin de rétablir un semblant de vérité.

Tout d’abord, "sédentariser" des chasseurs cueilleurs est un non-sens. Il ne faut pas croire que l’homme a subitement troqué la cueillette pour la culture ! Le changement s’est fait sur plusieurs milliers d’années selon les endroits, et la transition était (est continue de l’être aujourd’hui) peu marquée, progressive, durant laquelle les hommes pouvaient être autant cultivateurs-éleveurs que chasseurs-cueilleurs, avec des mouvements géographiques pas, peu ou très variables.

Aussi, on considère à tort le Croissant Fertile comme centre de l’agriculture dans le monde. La vision que nous avons de l’agriculture céréalière née au Proche-Orient est ethnocentriste. Les récentes découvertes archéologiques ont prouvé l’existence de plusieurs foyers d’agriculture, qui se sont plus ou moins influencés mutuellement et qui ont rayonné à plus ou moins grande distance. On en dénombre une douzaine de tailles conséquentes et d’origines variables, dont les premiers pourraient datées de 100 000 ans ! De quoi tordre le coup à certaines idées reçues (comme c’est souvent le cas lors de nos week-ends de formation). En effet, le concept de gestion du milieu naturel pour fournir l’alimentation (comme brûler la forêt pour favoriser la croissance de certaines plantes) est une idée en germe depuis que l’homme pense son milieu, sa place et sa dépendance vis-à-vis de celui-ci.

D’autre part, on pense à tort que les chasseurs-cueilleurs nomades étaient en mauvaise santé, mourraient de faim, et qu’il eut fallu attendre la miraculeuse "invention de l’agriculture" pour éviter l’extinction de l’espèce humaine. J’exagère, bien sûr, mais pour souligner la rapidité avec laquelle les raccourcis peuvent être faits…

On découvre en fait (grâce encore à l'archéologie) que la néolithisation (généralisation de l’agriculture à l’échelle du globe) serait à l’origine de problème osseux, de carences alimentaires, de problèmes de dents, sans parler des guerres liées aux stocks et à la hiérarchisation naissante. « Dans la première graine mise en terre, il y avait en germe la bombe atomique! » (F. Couplan).

Aussi, l’intelligence n’est pas l’apanage des premiers cultivateurs-éleveurs. Il s’agit simplement d’un bouleversement des modes de pensée, auquel s’ajoutent des modifications environnementales, les deux interagissant l’une avec l’autre pour faire évoluer les pratiques. On ne parle pas "d’invention" de l’agriculture, mais "d’apparition".


Alors pourquoi l'agriculture européenne s’est-elle imposée comme modèle ?
Les autres foyers agricoles s’inspiraient plus ou moins des phénomènes naturels, procédant par mimétisme et en fonction des conditions climatiques, assuraient une agriculture pérenne qui modifie peu le milieu. L’Europe a modifié plus fortement le milieu pour répondre à des exigences agricoles importées du Croissant Fertile.
Or, on retrouve aujourd’hui différents systèmes agricoles dans différentes régions du monde. Ces modes ne sont pas techniquement comparables et l’aspect global du fonctionnement du système ne doit pas être occulté. Ces systèmes ont évolué en étoile, au gré des différentes avancées techniques et socio-économiques (confection d’outils, conditions climatiques et géographiques, commerce, hiérarchisation de la population, etc.).
Concernant le modèle occidental, on peut analyser l’évolution du système selon plusieurs principes. Au gré des migrations du Proche-Orient vers l’Europe, on a commencé à défricher ce qui devait à l’époque ressembler à de vastes forêts, tout en y cultivant par mimétisme, les céréales selon le modèle du Croissant Fertile (pour rappel, ce dernier devait être à sa découverte, une grande étendue de céréales sauvages). On a pris le pas sur la nature – c’est sûrement dès lors que nos relations à la nature sauvage se sont dégradées.
Petit à petit, les outils ont évolué, permettant d’accéder plus vite et plus facilement à de nouvelles parcelles de terre, et d’augmenter la production. Par effet boule de neige, la population s’est accrue et on a du rapidement faire des stocks (= accumuler des richesses, ce qui suscite convoitise et prise de pouvoir). Une hiérarchie s’est mise en place. L’expansion démographique et la colonisation des parcelles de terre se sont poursuivies, mais bientôt, des problèmes liés aux castes sont apparus. S’en sont suivies guerres, maladies et disettes, liées à un appauvrissement des récoltes.

Pour résoudre ces problèmes, on a élaboré de nouvelles stratégies, développé de nouvelles techniques.
A mesure que les rendements se sont améliorés, la population a augmenté. On a optimisé le travail grâce à la technologie. Les verrous des freins juridiques de l'époque ont sauté et permis le désenclavement des régions, les échanges commerciaux, etc. Les systèmes locaux sont devenus nationaux, puis rapidement internationaux et ont fait naître de nouveaux conflits, à l’issue desquels on a assisté à des avancées majeures en termes de Croissance (hyper mécanisation, chimie, etc.). Elles ont donné naissance à l’Agriculture conventionnelle hyper productiviste et sans éthique, si chère à nos élus (allez savoir pourquoi ?).
On pourrait facilement résumer ce processus en un schéma
 
Il faudrait sortir de ce schéma qui prône une croissance infinie sur une Terre finie, qui plus est dépendamment de ressources fossiles sur le moyen et long terme. Même le développement durable est une belle utopie. De la Croissance repeinte en vert. Attention, je ne plaide pas forcément pour la décroissance mais je pense qu’il faudrait au moins cesser de croître à vitesse exponentielle, et trouver des systèmes de production qui soient justes autant pour l’Homme que pour tout le reste du Vivant.