jeudi 17 avril 2014

C'est quoi une plante ?

L'article précédent forme une excellente transition pour parler un peu des principes actifs. Si on veut comprendre ce qu’est un principe actif, il faut comprendre ce qu’est une plante, et quelle est sa principale particularité. Question : qu’est-ce qui différencie une plante d’un animal ? La réponse est contenue dans la question ! Une plante est « plantée », alors qu’un animal est « animé ». Alors que l’animal peut se déplacer pour fuir un prédateur, se nourrir, se reproduire bref, faire sa vie, la plante est quant à elle contrainte à l’immobilité – relative (voir anatomie et physiologie végétale). Il leur a donc bien fallu mettre en place des stratagèmes pour se défendre des prédateurs et autres parasites, se protéger des conditions environnementales qui leurs sont directement imposées, et donc survivre afin de se reproduire. Ces stratagèmes, ce sont les principes actifs : des molécules produites par un métabolisme « secondaire » (le primaire étant lié à la production de composés essentiels à la structure chimique de l’organisme vivant en question – ici la plante – et majoritaires en quantité – glucides, protides, lipides…), issus de processus chimiques plus fins et plus complexes, synthétisés à partir des composés du métabolisme primaire, et dont le rôle précis n’est pas toujours bien connu (défense contre les agressions extérieures ;  porteurs d’activités thérapeutiques ou toxiques). Alcaloïdes, hétérosides, coumarines, phénols, tanins, terpènes, flavonoïdes… sont des composés de ce métabolisme secondaire. Ils ont une action physiologique et chimique avec les molécules et donc les cellules des autres organismes vivants, dont l’homme. Pour répondre à la question « une plante est-elle forcément médicinale ? », la réponse est OUI ! Elle peut être toxique aussi bien sûr, mais les poisons les plus mortelles n’ont-ils pas une action thérapeutique à faible, voire très faible dose ? Il n’y a malheureusement plus de sorcières pour nous le dire, mais il y a encore les pharmaciens (l’exemple de la digitaline pour les problèmes cardio-vasculaires est sans doute le plus parlant, car c’est un principe actif très toxique à relativement faible dose !).

Empiriquement connus depuis la nuit des temps (ou du moins soupçonnés), mis sur le devant de la scène par les chimistes vers le début du XIXe siècle, les principes actifs sont aujourd’hui la base de la médecine allopathique, phytotérapeutique, homéopathique, et toute autre pratique pour laquelle il s’agit d’absorber une substance médicamenteuse naturelle ou non. Ce qui est d’ailleurs paradoxal, car dans l’inconscient collectif, « les gens » ont du mal à admettre qu’une plante puisse être médicalement efficace, alors que ces mêmes « gens » vont se bourrer de pilules dont les principes actifs sont majoritairement extraits des végétaux, ou reproduits en laboratoire sur la base de molécules végétales. Je catégorise volontairement une certaine classe de population réfractaire à toute forme de « pratiques au naturel », bien que les mouvements alternatifs pour des pratiques plus justes et raisonnables soient en passe de devenir majoritaires. Mieux ! Tandis que grandit l’intérêt populaire de la médecine par les plantes et les pratiques alternatives, se développe dans les milieux scientifiques et réglementaires – les deux étant étroitement liés – un curieux phénomène de suspicion envers les végétaux. Il est légitimé par les quelques (rares) incident lié à l’automédication et le principe de précaution, ce dernier étant appliqué plus sévèrement avec les végétaux sauvages qu’avec les végétaux cultivés alors que nos aliments courant regorgent de principes actifs potentiellement toxiques (oxalates dans les épinards dangereux en cas d’insuffisance rénale ou de problèmes articulaires, furanocoumarines dans le zeste de citron connus pour leur action photodynamisante, etc.). Encore un paradoxe comme l’être humain sait en avoir… Si une règle d'hygiène devait prévaloir quant à l'utilisation des plantes en général, c'est de varier et de se méfier des idées reçues sur l'innocuité ou la toxicité de tel ou tel végétal.

A suivre : quelques plantes et leurs effets thérapeutiques !

Les plantes médicinales

Après avoir – en partie – étudiés les plantes comestibles, nous avons introduit en début de seconde année les plantes médicinales. C’est un vaste sujet, si bien qu’elles nous suivront jusqu’à la fin de notre formation et même au-delà, à l’instar des plantes comestibles. Tiens, je me questionne tout en écrivant ces mots : pourquoi cette catégorisation systématique – plantes médicinales / plantes comestibles ? Cette approche, comme souvent et je me rends compte qu’au fil de mes articles j’en parle beaucoup, a tendance à cloisonner notre vision des choses. Où situer le thym par exemple, dans quelle « case » ? C’est à la fois une excellente herbe aromatique et un médicament très efficace, connu depuis la plus haute Antiquité. Et finalement, quelle plante n’est pas médicinale ? Tentons d’y voir plus clair.

Il y a 2500 ans, Hippocrate donnait ses recommandations en matière de santé : « Que ton aliment soit ton remède ! ». Ce précepte a malheureusement disparu du discours médical d’aujourd’hui, avec tous les dommages collatéraux qu’on lui connait (diabète, obésité, Alzheimer, etc.). Sommes-nous en mesure de trouver aujourd’hui un médecin généraliste qui nous questionne sur nos pratiques alimentaires quand il établit son diagnostic ? Je parle du médecin lambda, pas de celui qui est ouvert aux pratiques de médecines douces ou alternatives, entendons-nous. Bon, ce n’est peut-être pas de leur faute ! Après tout, ils sont diplômés de médecine… Ah ! Voilà peut-être un élément important du problème. Parole de médecin : « la nutrition et la diététique ne sont plus dispensés en tant que système préventif dans les facultés de médecine ». Intéressant ! Mais on ne va pas s’étaler là-dessus, revenons aux plantes médicinales.

Qu’est-ce qu’une plante médicinale ? Il existe une définition officielle, qui je dois l’avouer me pose problème. Une plante médicinale est un végétal doué d’un effet thérapeutique, sans être exagérément toxique pour l’organisme. La deuxième partie de la définition est plutôt floue ! Ça veut dire quoi exagérément ? Pour reprendre l’exemple du thym, il peut s’avérer "exagérément" toxique pour le foie en cas de prise continue et à dose importante ! Bien sûr, la toxicité du thym n’a rien en commun avec celle de la cigüe, qui est mortelle à faible dose… Mais attention quand même, faire preuve de bon sens, et ne jamais utiliser tous les jours une même plante en prévention (primum, non nocere), car au bout d’un certain temps, les principes actifs vont s’attaquer à d’autres parties que celles pour lesquelles la plante était initialement utilisée.