jeudi 28 février 2013

« Dans la première graine mise en terre…


…il y avait en germe la bombe atomique » (F. Couplan).

Il existe plusieurs versions concernant les origines de l’Agriculture. L’institutionnelle, dispensée par les livres et les écoles, "sédentarise" les "chasseurs-cueilleurs", définit le Croissant Fertile comme foyer principal d’une agriculture "inventée" il y a "environ" 10 000 ans. Il serait intéressant de faire le point sur ces différentes notions, d’en démêler les tenants et aboutissants afin de rétablir un semblant de vérité.

Tout d’abord, "sédentariser" des chasseurs cueilleurs est un non-sens. Il ne faut pas croire que l’homme a subitement troqué la cueillette pour la culture ! Le changement s’est fait sur plusieurs milliers d’années selon les endroits, et la transition était (est continue de l’être aujourd’hui) peu marquée, progressive, durant laquelle les hommes pouvaient être autant cultivateurs-éleveurs que chasseurs-cueilleurs, avec des mouvements géographiques pas, peu ou très variables.

Aussi, on considère à tort le Croissant Fertile comme centre de l’agriculture dans le monde. La vision que nous avons de l’agriculture céréalière née au Proche-Orient est ethnocentriste. Les récentes découvertes archéologiques ont prouvé l’existence de plusieurs foyers d’agriculture, qui se sont plus ou moins influencés mutuellement et qui ont rayonné à plus ou moins grande distance. On en dénombre une douzaine de tailles conséquentes et d’origines variables, dont les premiers pourraient datées de 100 000 ans ! De quoi tordre le coup à certaines idées reçues (comme c’est souvent le cas lors de nos week-ends de formation). En effet, le concept de gestion du milieu naturel pour fournir l’alimentation (comme brûler la forêt pour favoriser la croissance de certaines plantes) est une idée en germe depuis que l’homme pense son milieu, sa place et sa dépendance vis-à-vis de celui-ci.

D’autre part, on pense à tort que les chasseurs-cueilleurs nomades étaient en mauvaise santé, mourraient de faim, et qu’il eut fallu attendre la miraculeuse "invention de l’agriculture" pour éviter l’extinction de l’espèce humaine. J’exagère, bien sûr, mais pour souligner la rapidité avec laquelle les raccourcis peuvent être faits…

On découvre en fait (grâce encore à l'archéologie) que la néolithisation (généralisation de l’agriculture à l’échelle du globe) serait à l’origine de problème osseux, de carences alimentaires, de problèmes de dents, sans parler des guerres liées aux stocks et à la hiérarchisation naissante. « Dans la première graine mise en terre, il y avait en germe la bombe atomique! » (F. Couplan).

Aussi, l’intelligence n’est pas l’apanage des premiers cultivateurs-éleveurs. Il s’agit simplement d’un bouleversement des modes de pensée, auquel s’ajoutent des modifications environnementales, les deux interagissant l’une avec l’autre pour faire évoluer les pratiques. On ne parle pas "d’invention" de l’agriculture, mais "d’apparition".


Alors pourquoi l'agriculture européenne s’est-elle imposée comme modèle ?
Les autres foyers agricoles s’inspiraient plus ou moins des phénomènes naturels, procédant par mimétisme et en fonction des conditions climatiques, assuraient une agriculture pérenne qui modifie peu le milieu. L’Europe a modifié plus fortement le milieu pour répondre à des exigences agricoles importées du Croissant Fertile.
Or, on retrouve aujourd’hui différents systèmes agricoles dans différentes régions du monde. Ces modes ne sont pas techniquement comparables et l’aspect global du fonctionnement du système ne doit pas être occulté. Ces systèmes ont évolué en étoile, au gré des différentes avancées techniques et socio-économiques (confection d’outils, conditions climatiques et géographiques, commerce, hiérarchisation de la population, etc.).
Concernant le modèle occidental, on peut analyser l’évolution du système selon plusieurs principes. Au gré des migrations du Proche-Orient vers l’Europe, on a commencé à défricher ce qui devait à l’époque ressembler à de vastes forêts, tout en y cultivant par mimétisme, les céréales selon le modèle du Croissant Fertile (pour rappel, ce dernier devait être à sa découverte, une grande étendue de céréales sauvages). On a pris le pas sur la nature – c’est sûrement dès lors que nos relations à la nature sauvage se sont dégradées.
Petit à petit, les outils ont évolué, permettant d’accéder plus vite et plus facilement à de nouvelles parcelles de terre, et d’augmenter la production. Par effet boule de neige, la population s’est accrue et on a du rapidement faire des stocks (= accumuler des richesses, ce qui suscite convoitise et prise de pouvoir). Une hiérarchie s’est mise en place. L’expansion démographique et la colonisation des parcelles de terre se sont poursuivies, mais bientôt, des problèmes liés aux castes sont apparus. S’en sont suivies guerres, maladies et disettes, liées à un appauvrissement des récoltes.

Pour résoudre ces problèmes, on a élaboré de nouvelles stratégies, développé de nouvelles techniques.
A mesure que les rendements se sont améliorés, la population a augmenté. On a optimisé le travail grâce à la technologie. Les verrous des freins juridiques de l'époque ont sauté et permis le désenclavement des régions, les échanges commerciaux, etc. Les systèmes locaux sont devenus nationaux, puis rapidement internationaux et ont fait naître de nouveaux conflits, à l’issue desquels on a assisté à des avancées majeures en termes de Croissance (hyper mécanisation, chimie, etc.). Elles ont donné naissance à l’Agriculture conventionnelle hyper productiviste et sans éthique, si chère à nos élus (allez savoir pourquoi ?).
On pourrait facilement résumer ce processus en un schéma
 
Il faudrait sortir de ce schéma qui prône une croissance infinie sur une Terre finie, qui plus est dépendamment de ressources fossiles sur le moyen et long terme. Même le développement durable est une belle utopie. De la Croissance repeinte en vert. Attention, je ne plaide pas forcément pour la décroissance mais je pense qu’il faudrait au moins cesser de croître à vitesse exponentielle, et trouver des systèmes de production qui soient justes autant pour l’Homme que pour tout le reste du Vivant.

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