vendredi 14 février 2014

Ethnobotanique ta plante !

Qu'on se le dise, nous sommes tous un peu ethnobotanistes. Toutes les plantes ont, auront ou ont eu à un moment de leur histoire, un lien avec l'homme : nous achetons des roses, lesquelles possèdent une symbolique forte ; nous mangeons des tomates, ces dernières ont été découvertes et introduites par et en Occident lors des grandes conquêtes de Christophe Colomb... Plus simplement, nous sommes d'éternels curieux, nous avons un faible pour la cuisine exotique, nous nous informons sur les pratiques culinaires en général, etc. Même la viande que nous consommons habituellement est, en quelque sorte, liée à l'histoire du blé, du soja ou du maïs, qui des siècles durant ont accompagné les hommes. Reste à savoir dans quel champ d'application l'on se situe, quel sorte d'ethnobotaniste nous sommes : amateur, professionnel, spécialiste ? A chacun sa définition. Une chose à retenir cependant, malgré la connotation péjorative du terme amateur, il est intéressant de savoir que ce mot est dérivé du latin amator : celui qui aime ! En ce qui me concerne, je me situerais à cheval entre l'amateur et le professionnel, tentant d'appliquer, quand cela me convient, les méthodes du professionnel tout en tenant à distance les objectifs de résultats qui peuvent avoir tendance à cloisonner les sujets d'étude.

Pourquoi faire de l'ethnobotanique ? Il existe des tas de raisons : curiosité, envie d'apprendre, goût pour l'exotisme, etc. Pour être tout à fait franc, au départ je me suis intéressé à cette discipline pour, à terme, retrouver un peu d'autonomie alimentaire. Au-delà de cette considération, j'ai décidé de me lancer dans cette aventure lorsque je me suis aperçu que le végétal est la pierre angulaire de tout le système vivant, dont nous faisons tous partie depuis toujours. Il met en lien l'air, l'eau, la terre et les autres êtres vivants de manière tout à fait singulière et passionnante.

Etudier le végétal, c'est finalement s'intéresser à Tout, c'est ouvrir une porte vers l'exploration du monde au sens large. S'intéresser aux plantes et aux liens qui les unissent au reste du vivant et donc aussi à l'homme, c'est aussi découvrir le fonctionnement des sociétés. Etudier les plantes, c'est encore tenter de comprendre nos comportements alimentaires, pourquoi nous mangeons tel fuit ou tel légume plutôt que d'autres... c'est en quelque sorte retracer notre propre histoire, avec tout ce qu'elle comporte de symbolique ! A ce propos, il est intéressant de noter que la plupart des végétaux consommés en France ou en Europe sont originaire de pays lointains (voir article sur les plantes voyageuses). Le terme "local" ou "bien de chez nous" en prend un sacré coup! L'identité culturelle liée à l'usage de certains produit dits locaux peut s'avérer difficile à préserver...

D'ailleurs, je suis persuadé que la plupart d'entre-vous sont d'avantage intéressés par la cuisine exotique et les traditions culinaires du monde que par les betteraves, navets ou autres poireaux de France. Vous avez raison ! C'est tout à fait passionnant (soyez néanmoins sensibles à l'impact écologique lié à la production et l'acheminement de ces produits exotiques jusque chez nous). Pour vous mettre en appétit, je vais vous en dévoiler quelques-unes mais avant tout, je souhaiterais revenir sur une notion fondamentale, l'acte de manger.

Manger peut sembler anodin, quelque chose de parfaitement naturel. D'un point de vue biologique, peut-être (encore que nous ayons perdu tout instinct de (re)connaissance d'une nourriture saine et de qualité). Mais culturellement et socialement parlant, c'est beaucoup plus technique ! L'alimentation se construit en un agencement varié d'éléments de patrimoines culturels, d'identités nationales ou familiales, de symboles (en particulier le statut social), d'enjeux politiques ou encore de santé publique. Nous mangeons du symbole, tout en observant des pratiques rituelles elles aussi empreintes d'une symbolique forte (prières, règles de bonnes conduites, sphères environnementales, etc.). Manger est donc un acte culturel. Comprendre cela est capital car chaque peuple possède sa cuisine propre à laquelle il est profondément attaché. C'est évidemment un fait d'importance, à prendre en compte lorsque l'on voyage, ou bien quand on est invité chez des personnes originaires d'un autre pays avec d'autres coutumes. C'est loin d'être anecdotique, et cela s'applique dans un sens comme dans l'autre ! N'avez-vous pas eu une envie irrépressible de fromage et de vin lors d'un voyage dans un pays qui n'est pas coutumier de ce genre de produit ? Personnellement, ça m'est déjà arrivé, et cela m'a permis de prendre conscience que le repas est un marqueur d'identité culturelle fort et très symbolique.

Manger, c'est donc loin d'être anodin. A en voir la richesse et la diversité des traditions culinaires du monde, on n'en douterait pas. Au gré des mouvements de populations et de l'évolution des pratiques agraires, de la standardisation des échanges commerciaux et culturels perpétrés depuis des millénaires, l'alimentation est devenue un vrai sujet d'études, passionnant mais aussi surprenant ! Si les différents pays du monde avaient conservés leurs pratiques et leurs traditions sans apports extérieurs, les choses seraient bien différentes : pas de pizza en Italie, de frites en Belgique, de piment en Afrique, de café au Brésil, de bananes en Martinique... Soyons-en ravis donc, la "mondialisation" a permis un brassage culturel et donc alimentaire. Toutefois, restons vigilants, car nous courons vers la standardisation du modèle occidental (ou plutôt américain), avec lequel l'alimentation industrielle et fade (à l'image des fast-food) représente aujourd'hui dans l'inconscient collectif le nec plus ultra de ce qui est souhaitable (surtout dans les pays en voie d'occidentalisation). Élevons nos conscience et levons nous pour que ce jour n'arrive jamais et pour que l'alimentation continue d'être un bien commun non monopolisable.

Je vous ai promis un aperçu des traditions culinaires du monde, rendez-vous ici

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